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Parti Communiste (Suisse), “Le rôle des marxistes dans le nouveau siècle pour la construction multipolaire et la justice sociale”

Chers camarades
Chers organisateurs de cette importante rencontre, chers partis et mouvements venus de tous les continents;

Je crois que la première chose à dire est qu’en tant que marxistes, nous devons reconnaître – sans aucun dogmatisme – que le processus d’intégration eurasiatique et le multipolarisme sont, à notre époque, une étape nécessaire, fondamentale et inévitable vers le dépassement du capitalisme ;

Sans multipolarisme, il n’y a pas de souveraineté nationale ;
sans souveraineté nationale, il n’y a pas de souveraineté populaire ;
sans souveraineté populaire, il n’y a ni des réformes structurelles ni des révolutions ;
et donc : sans souveraineté en général, il n’y a pas de socialisme !

Le multipolarisme, mené par la Chine et la Russie, est la construction d’un monde de paix dans lequel la collaboration de toutes les nations du monde permet le dialogue et la coopération pour le bien de toute l’humanité.

La lutte des classes se fonde aujourd’hui sur une contradiction primaire qui est celle de l’unipolaire atlantique, c’est-à-dire l’impérialisme, attaquant l’espace eurasiatique dirigé par la Russie et la Chine, c’est-à-dire le multipolarisme. Sur cette base, toutes les autres contradictions doivent être lues et ils deviennent alors secondaires : non pas ” moins importants ” ou même ” illégitimes “, mais certainement subordonnées à une priorité plus grande, sans laquelle même la question du pouvoir des travailleurs ne peut être résolue. Ceux qui ne l’acceptent pas peuvent parler de “communisme”, mais justement : ils ne font qu’en parler, et ne pourront rien faire pour progresser dans ce chemin.

Dans un article, encore inédit, du camarade Massimiliano Ay, Secrétaire Général du Parti Communiste de la Suisse, il est expliqué que la gauche dans chaque pays et dans le monde s’est divisée : non plus entre modérés et maximalistes, non plus entre sociaux-démocrates et communistes. Le nouveau clivage, celui qu’on n’enseigne absolument pas dans les facultés occidentales des sciences politiques, est autre : c’est celui qui résulte de la nouvelle époque historique dans laquelle nous sommes entrés. La lutte des classes s’est déplacée au niveau international et oppose l’impérialisme aux nations émergentes qui défendent leur souveraineté : d’un côté, l’unipolaire atlantique, qui consolide le pouvoir libéral et l’appareil occidental de spéculation financière ; de l’autre, le multipolarisme eurasien, qui ouvre la porte à un autre type de pouvoir, certainement pas encore socialiste, mais probablement non plus exclusivement capitaliste.

Avec la gauche mondialiste, “intellectuelle”, postmoderne et “libéral” qui est intégrée dans le système atlantique et qui considère que les pays occidentaux sont les seuls pays démocratiques et que tous les autres systèmes sont dictatoriaux et contraires aux droits de l’homme, il devient de plus en plus difficile d’avoir un espace de dialogue. Malheureusement, nous devons constater qu’ils représentent les opposants les plus résolus à une gauche patriotique, populaire, productive et de classe qui reconnaît au contraire l’horizon multipolaire.

Les événements en Ukraine marquent une étape décisive dans l’affrontement entre l’unipolaire atlantique, qui cherche à perpétuer le siècle américain qui a duré de 1945 au début de ce nouveau millénaire en volant les matières premières énergétiques et alimentaires des nations de tous les continents, et le monde multipolaire, marqué par des relations respectueuses, comme les projets de coopération avec les nations d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine construits en cette première partie du 21ème siècle par les Chinois et les Russes, qui sont capables de payer les matières premières bien plus cher que le prix du vol imposé par l’Occident.

L’Occident cherche à perpétuer la pratique prédatrice du néocolonialisme en la réalisant à l’aide des canons de l’OTAN, qui sont aussi les seuls garantis de la survie du dollar comme monnaie d’échange dans le commerce international, un dollar que de plus en plus des nations, à commencer précisément par les nations eurasiennes liées à l’organisation de Coopération de Shanghai, refusent d’utiliser pour leurs échanges et transactions. Il y a une dizaine d’années déjà, les camarades Alessandro Luchini, Secrétaire Général Adjoint de notre Parti, et le regretté camarade Gianfranco Bellini, membre du Comité central de l’ancien parti des Communistes italiens, soutenaient que le marxisme devait se remettre à analyser le rôle de la monnaie de référence et les effets du processus de dédollarisation.


À la suite de ce choc épochal qui nous fera entrer dans une nouvelle époque historique et politique, nous sommes tenus, d’un point de vue marxien, de constater que tout sera divisé : non seulement la gauche politique, mais aussi la culture et les conceptions idéologiques. La gravité de l’affrontement produira une polarisation dans toutes nos sociétés, pas seulement européennes, entre ceux qui veulent accompagner le projet libéral occidental et ceux qui aspirent à construire le nouveau monde multipolaire.

Nous devons admettre ouvertement, dans les milieux marxistes, que nous serons confrontés à trois positions différentes au moins :
Il y aura des camarades qui, en refusant la contradiction capital-travail et en méprisant la lutte des peuples contre l’impérialisme et les formes insidieuses, mais malheureusement encore bien enracinées, du néocolonialisme, se rendront complices du projet social-démocrate, se contentant de la modeste et non décisive bataille pour les droits civils, se réduisant à accompagner les forces du pire atlantisme et du pire européisme, se camouflant comme progressistes.

Ensuite, il y aura des forces marxistes qui, dans une hystérie autoréférentielle tourbillonnante, trahiront Marx, ne reconnaissant pas la contradiction primaire de notre époque, c’est-à-dire le conflit entre l’unipolaire atlantique et le multipolarisme, se réduisant dans ce cas à exprimer avec l’extrémisme le plus néfaste et le plus destructeur une aversion contre tout et contre tous et donc – le plus grave – également contre la Chine et la Russie, déclarant d’une manière aussi ridicule que dangereuse, qu’eux et eux seuls sont les détenteurs de la véritable et correcte interprétation du marxisme et du monde. Une attitude aussi folle qu’aveuglément déconnectée de la réalité, qui entraînera malheureusement des divisions dans plusieurs domaines : nous voyons déjà des tentatives fractionnistes dans le mouvement syndical, dans le mouvement pour la paix, dans le mouvement des femmes, etc. Il n’est pas nécessaire que le temps porte un jugement historique sur ces tentatives : nous pouvons déjà voir à quel point elles sont négatives, fractionnistes et destructrices pour le mouvement communiste international.

Enfin, il y a nous qui sommes ici aujourd’hui, qui pouvons bien volontiers prétendre se représenter de manière cohérente et conséquente les meilleures énergies du mouvement révolutionnaire mondial, c’est-à-dire tous ceux – et nous sommes la majorité – qui croient sans hésiter qu’il est possible de construire un lendemain de justice sociale, de paix, d’égalité, de droits, tous, y compris bien sûr les droits civils, mais avant tout les droits sociaux : le logement, l’éducation, le travail, la santé, la culture, les protections sociales pour tous les âges et en toutes circonstances, tout cela garanti non pas pour des petits groupes; pour des groupuscules miséreux qui spéculent au détriment du reste de leurs compatriotes et des peuples, mais pour l’ensemble de l’humanité. Je le répète et le redis, pour nous, Parti communiste de la Suisse, l’engagement des marxistes-léninistes dans ce siècle sera défini et jugé par le rapport au multipolarisme et à la Chine en particulier.

Nous vivons une époque à la fois terrible et extraordinaire, où, face à des événements dramatiques et indicibles, le moteur de l’histoire s’est remis en marche, balayant les vieux schémas et les préjugés dépassés. Même le marxisme, qui n’est pas une vieille béquille ankylosée pour répéter des citations, a subi des évolutions et nous montre déjà les signes profonds de changements radicaux et irréversibles par rapport à des schémas interprétatifs et mentaux inadaptés au temps présent.

Lénine n’était pas seulement le chef ingénieux de la Révolution d’octobre menée par les bolcheviks, mais il était un innovateur du marxisme. Il avait compris que Marx et Engels avaient vécu à une époque différente de la sienne et qu’entre-temps on était entré dans une autre phase historique : celle de l’impérialisme. Toute une série de préceptes théoriques formulée par les fondateurs du communisme ont donc dû être adaptés à la nouvelle situation. La révolution n’éclaterait pas dans les pays avancés d’Europe, où les contradictions capitalistes étaient les plus fortes, mais se produirait dans le maillon faible de la chaîne impérialiste, par exemple la Russie, mais aussi la Chine, Cuba et de nombreuses autres nations dans le reste du monde. Lénine, un authentique marxiste, a lu le monde en mutation et, à partir de la pratique concrète, a créé une nouvelle théorie appropriée à sa nation et à son époque. Telle est l’essence du socialisme scientifique et aujourd’hui, nous sommes appelés, en tant que communistes, à lire le monde en mutation, à identifier ses contradictions, à établir quelle contradiction sont primaires et quelle contradiction est secondaire. Sans cet exercice, nous ne serions pas à la hauteur de la méthode marxiste : nous pourrions répéter beaucoup de beaux slogans d’extrême gauche, mais ils seraient inutiles parce qu’ils sont tout simplement déphasés.

La russophobie et la sinophobie, qui sont arrivées à des sommets grotesques ces derniers mois, sont liées à une nouvelle vague anticommuniste, et même en Europe nous devrons nous attendre à des formes, sinon de répression, au moins de limitation des espaces démocratiques. En tant que partis communistes occidentaux, nous ne sommes souvent pas du tout préparés à ce nouveau contexte. Non seulement sur le plan organisationnel, parce que nous sommes habitués aux garanties libérales-démocratiques dont nous avons bénéficié jusqu’à présent, mais aussi sur le plan idéologique, parce que nous sommes constamment bombardés par des conceptions “libéral” et individualistes, même à gauche, qui ont trouvé un espace non pas seulement parmi les marxistes occidentalisés et auto-référentiels, mais parfois malheureusement aussi dans nos propres rangs, nous obligeant à la nécessité d’une autocritique appropriée et d’une analyse constante et étroite de l’état des choses présent. Nous devons travailler sans relâche à la formation des jeunes cadres et militants, et nous devons malheureusement le faire sans pour autant chercher à courir après des vocations de masse, qui ne sont légitimes que lorsqu’elles sont concrétisées par une réelle cohérence des forces sociales et des citoyens qui participent activement à la vie du Parti.

En tant que marxistes, en tant que communistes, nous devons absolument faire preuve de souplesse et surmonter tout dogmatisme afin de construire des alliances tactiques avec tous ceux qui veulent sortir leurs pays respectifs de l’OTAN et s’opposer aux sanctions aujourd’hui contre la Russie, malheureusement demain contre d’autres nations qui refusent de se soumettre aux intérêts occidentaux. Ces alliances avec des secteurs non révolutionnaires sont conçues pour construire de larges fronts anti-impérialistes qui peuvent freiner les tendances belliqueuses des différentes bourgeoisies qui se rallient à l’atlantisme et agissent de connivence avec celui-ci. En Suisse, ces démarches doivent nous servir à tenter de sauver la neutralité, dans le reste du monde, elles servent à redonner une dimension de masse aux mouvements pour la paix.

Mais attention : tout cela ne doit pas signifier une dissolution au sein de ces mouvements de nos partis, ce serait non seulement une erreur, même quand on pourrait vaguement imaginer diriger ces mouvements, mais ce serait l’exact contraire de ce que doit être la tâche d’une force politique marxiste et réellement d’avant-garde.

À côté du large front anti-impérialiste, que chacun de nous est appelé à construire dans sa propre patrie et éventuellement aussi à l’échelle continentale, une forme très concrète de coordination doit néanmoins être trouvée entre les partis de tradition marxiste-léniniste qui se reconnaissent aujourd’hui dans l’analyse selon laquelle la contradiction première se situe dans la lutte entre les multipolarisme et l’atlantisme. Nous sommes ici aujourd’hui à cette réunion à Paris et, en remerciant le Parti de la démocratie Populaire de Corée, nous demandons donc à toutes les délégations ici présentes de ne pas se contenter d’un simple échange d’opinions, mais de mettre en place une coordination pour un échange fréquent et stable d’informations et la construction d’un réseau de solidarité qui puisse être opérationnel au-delà des barrières imposées par les frontières. Les ressources dont nous disposons sont très maigres, c’est pourquoi nous devons les rationaliser et travailler ensemble pour un nouvel internationalisme.

Une Troisième guerre mondiale se profile à l’horizon, même si nous en parlons avec inquiétude, se manifestant en Afrique, avec l’agression aux nations qui ont choisi de coopérer avec la Chine et la Russie ; se manifestant avec la guerre au Yémen, qui est maintenant mené directement par les anglo-américains et les Émiratis après le désengagement partiel de l’Arabie Saoudite ; avec les Îles Salomon, qui avec Kiribati ont choisi dans le Pacifique de coopérer avec la Chine en quittant le collier atlantique, avec les provocations au Kosovo contre la Serbie, etc. Tous ces conflits s’ajoutent à l’affrontement actuel entre l’OTAN et la Russie en Ukraine et aux provocations constantes de l’Occident à Taïwan. Les scénarios sont donc dramatiques et le reflet de ces faits sera inévitablement, surtout en Occident, une répression contre nous tous : s’unir et se coordonner est donc indispensable.

Camarades: il y a beaucoup de travail en cours de route, mais nous, marxistes, sait que nous venons de loin et que nous allons loin.

Courage, que notre marche vers l’avenir soit une semence d’espoir et de paix.

Merci.

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